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Le développement numérique n'est pas tenable à son rythme actuel


Type : Article de presse

Source : Sciences et Avenir

Auteur : Propos recueillis par Arnaud Devillard

Parution : 28 oct. 2024

Mots-clé : général, IA

Trois question à Jacques Sainte-Marie, directeur du programme "Environnement et numérique" de l'INRIA (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique).

L’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) a créé un programme de recherche intitulé Environnement et numérique. Quel en est le contexte ?

Nous étudions les impacts environnementaux du numérique depuis plus de dix ans mais le sujet occupe l’actualité depuis trois ou quatre ans seulement. Ce sont des impacts déportés, que l’on ne voit pas lorsque nous ouvrons notre ordinateur, et jusque-là le discours dominant portait sur les effets positifs du numérique, notamment grâce à la dématérialisation. Or, les bouleversements climatiques, les questions écologiques poussent à se demander si le développement du numérique est tenable au rythme qu’il a actuellement. Pour nous, à Inria, la réponse est non. Pour des raisons de faible taux de recyclage, d’empreinte énergétique, de disponibilité des terres rares...

De quoi est fait ce programme, exactement ?

De travaux, d’une part, sur le numérique comme moyen d’aider à la décarbonation d’autres secteurs (mobilité, industrie, agriculture), et d’autre part sur la réduction de l’impact environnemental du numérique (écoconception, capteurs économes en énergie, etc.). Cela comprend non seulement de la recherche fondamentale (langage de programmation, cryptographie, intelligence artificielle), mais aussi l’étude de l’écosystème dans lequel ces recherches vont s’insérer, la diffusion d’une culture scientifique sur ce sujet, sans oublier l’examen de l’empreinte environnementale de nos propres activités, à nous, chercheurs.

L’intelligence artificielle, très gourmande en énergie, en puissance de calcul, en stockage, est en pleine explosion. Faut-il revenir en arrière ?

Quantifier globalement l’impact de l’IA n’est pas facile, mais freiner l’innovation en la matière n’est pas une solution. Pour l’heure, une IA comme ChatGPT est généraliste, elle répond à beaucoup de questions. Sans doute évoluera-t-on vers des outils dédiés. Par ailleurs un sujet progresse énormément : l’IA frugale. Cela consiste à retirer toutes les données inutiles et se concentrer sur celles qui sont bonnes pour réduire l’impact environnemental de la phase d’apprentissage. Les problèmes d’environnement créent un contexte nouveau. Il faut de la recherche et de l’innovation pour faire de ces contraintes les leviers d’un nouveau modèle de développement. Car dans l’histoire de l’humanité, il n’y a pas de moment de référence qui serait un âge d’or auquel il faudrait revenir. Cela n’existe pas.